
Le : 14 décembre 2021, par Fabien Vidal
Xavier Louvel
Chargé de mission pratiques et enseignements artistiques à Ciclic Centre-Val de Loire
L'essentiel
« Interroger cet objet comme objet culturel, et lui donner cette lettre de noblesse en direction des publics qui ne le considère pas de cette manière de prime abord. »
Xavier Louvel est chargé de projets au sein du pôle Éducation à l’image de Ciclic Centre-Val de Loire, l’agence régionale culturelle pour le livre et l’image. Sa mission est de développer le regard et la pratique de l’image des publics sur le temps scolaire et hors-temps scolaire. Et pour mener cette mission à bien, il a besoin de repérer des professionnels capables d’animer des ateliers, et de les mettre en relation avec des organismes qui souhaitent y orienter leurs publics dans le cadre scolaire, quartiers prioritaires et zones rurales (écoles, collèges, lycées, établissements sociaux et médico-sociaux).
Cependant, Xavier ne se sent pas compétent dans le jeu vidéo. Ce qu’il maîtrise, c’est le cinéma-audiovisuel, l’éducation aux médias. Mais il y voit néanmoins un objet culturel important. C’est pourquoi il a besoin d’aide pour faire ce repérage de professionnels.
Ça été le cas avec l’association de psychologues Hébé. Et ça l’est aussi avec le Panorama du Jeu qui Provoque de Choses, qui lui donne envie d’aller encore plus loin pour monter de nouveaux projet et “dynamiser le territoire sur des rencontres”
Interview
Bonjour Xavier Louvel, qui êtes vous ?
Je travaille pour Ciclic, l’agence régionale culturelle pour le livre et l’image. C’est un EPCC (établissement public de coopération culturelle) entre l’Etat et le Conseil Régional Centre-Val de Loire.
L’Etat et la Région n’ont pas les mêmes missions : pour la région, l’éducation artistique se concentre avant tout autour les Lycées, alors que l’Etat s’intéresse à l’ensemble des publics. Et Ciclic est justement ce point de rencontre entre les politiques culturelles, où l’on peut questionner la complémentarité des dispositifs et des différents temps de vie des publics.
Notre génétique première est le cinéma et l’audiovisuel. Mais avec le temps nous avons élargi notre champ : en 2006, notre association, « l’Atelier de production Centre-Val de Loire », est devenue Centre Images, « l’agence régionale pour le cinéma et l’audiovisuel ». Puis en 2012, nous avons fusionné avec « Livre au Centre » pour devenir Ciclic Centre-Val de Loire.
Et je fais partie du pôle d’éducation à l’image, pour lequel nous sommes labellisés « Pôle régional d’éducation artistique et de formation aux images » depuis 1999 par la DRAC.
Mon poste caractérise l’élargissement de ce champ : je travaille sur l’éducation aux cultures numérique, et sur l’éducation aux médias. Plus précisément, je suis chargé de mission « pratiques artistiques », c’est-à-dire sur l’image, dans sa pratique et son aspect culturel et éducatif. Par exemple, je mets en œuvre le dispositif national Passeurs d’images en région Centre-Val de Loire, un dispositif hors-temps scolaire pour les publics dits “empêchés” (qui n’ont pas accès à des contenus culturels, en zones rurales, quartiers prioritaires ou ailleurs) pour faire et voir des images, organiser des rencontres-débats, des formations, diffuser du cinéma…
Et depuis peu, je tente d’initier des projets de découverte d’exploration de jeu vidéo, en tenant compte des partenaires et de l’existant sur ce sujet.
Mon rôle est de faire un trait d’union entre les mondes professionnels et artistiques, et avec les publics bénéficiaires pour mettre en œuvre les politiques culturelles. J’ai une mission générale, de partenariat et de contenu.
Êtes-vous joueur ? Et si oui, à quoi jouez-vous ?
Alors, dans mes affaires d’adolescent, j’ai retrouvé un jeu de cartes Magic, et j’ai eu des consoles.
Un jeu auquel je joue, c’est Civilization. J’adore ce jeu ! Si j’étais prof d’histoire, je jouerais avec mes élèves, pour son apport culturel.
Je suis plutôt jeux de stratégie.
Quelle place a le jeu dans vos interventions ?
Tout d’abord, il y a le jeu au sens générique du terme, comme support pédagogique. Penser le jeu, c’est une façon de concevoir l’intervention publique, de questionner ce qu’est une bonne pratique de la pédagogie : je ne suis pas là pour donner des cours de cinéma, mon objectif est de favoriser l’apport culturel par la pratique, en faisant se rencontrer des envies futures. Je travaille donc avec les intervenants pour penser les contenus d’un point de vue pédagogique, pour ajouter de l’interaction et du ludique.
Le ludique, c’est le maître mot qui permet de transmettre : penser le geste de transmission et la transmission du geste comme jeu.
Oublier le ludique, ce serait comme penser le documentaire sans l’écriture…
Et en tant qu’objet, quelle place a le jeu ?
Sur le jeu comme objet artistique, je ne vais pas aller sur le jeu de plateau, mais plutôt sur le jeu vidéo. Mon premier questionnement, c’est d’interroger cet objet comme objet culturel, et lui donner cette lettre de noblesse en direction des publics qui ne le considère pas de cette manière de prime abord.
Par contre pour l’heure, je n’ai pas la prétention d’être compétent en la matière, et je reste sur le cinéma-audiovisuel. Mais, j’ai l’idée d’initier des projets avec des structures qui peuvent être compétentes.
Alors pour commencer, je me suis tourné vers des professionnels qui ont cette approche. J’ai fait un premier pas en organisant des conférences avec Hébé, une association de recherche en psychologie, qui traite le jeu comme objet culturel ayant une importance et un impact pour les adolescents. C’était passionnant, mais ce n’était pas encore de la pratique. C’était de la formation voire de la prévention, et j’avais envie d’aller plus loin.
Hébé m’a ensuite présenté à vous (NDLR : Fabien Vidal) et votre projet de Panorama du Jeu qui Provoque des Choses. Là, j’ai vu une action qui avait la capacité d’identifier des ressources, à la manière d’Upopi (Université Populaire des Images), notre plateforme pédagogique, et de permettre l’existence de projets qui se couplent aux valeurs des dispositifs tels que Passeurs d’images.
Or, il y a des partenaires naturels du domaine de l’éducation populaire, comme Cultures du Cœur, capable de mobiliser un public intergénérationnel et de désacraliser cet objet. Et comme il était question d’aller plus loin, nous les avons rencontrés avec la Médiathèque de Ballan Miré (la Parenthèse) et le Centre social Jules Verne. Nous avons croisé le repérage de professionnels que vous avez effectué, avec l’acquisition de public du centre social, et Cultures du Cœur et Passeurs d’images ont mis les moyens et l’ingénierie de projet (NDLR : Ça a donné le projet JymVerneDeBallan, mis en œuvre avec la F.U.N.)
Dans ce projet, il y a eu une vraie synergie de partenariat. Ce type de projet répond pleinement à la raison pour laquelle Ciclic existe : dynamiser un territoire sur des rencontres de professionnels.
Une autre idée pour laquelle nos repérages réciproques avec le Panorama se complètent, c’est de relier le monde de l’animation 3D avec celui du cinéma, et notamment le cinéma d’animation.
Comment en êtes-vous venus à vous intéresser au jeu vidéo ?
Comme je l’ai dit, le jeu n’est pas mon domaine professionnel, et j’ai tout à apprendre. Mais lorsque j’ai travaillé avec les psychologues, j’ai découvert tout un pan de culture qui fait partie du champ des images. Pour moi, il est évident que le jeu vidéo est aussi un moment de rencontre et un liant social. Mon but est de créer du lien avec les pratiques artistiques, quelles qu’elles soient, faire qu’elles soient un élément du vivre ensemble. Et le jeu en fait partie.
Et puis, d’un point de vue pédagogique, « Faire en apprenant », le jeu vidéo se pose là. En fait, j’approche l’expérience du jeu vidéo comme le documentaire : dans le documentaire, on va tourner dans le désordre pour réaliser un point de vue personnel et sensible. Le jeu est un point de vue sensible et collectif avec ces allers-retours dans le processus de création.
Et comme au cinéma, il faut beaucoup de savoir-faire pour qu’il y ait un jeu vidéo à la fin. C’est une somme de compétences. Ça me parle.
Pouvez-vous nous parler d’autres utilisations du jeu qui vous ont touchées ?
Il y en a beaucoup.
Au Centre d’Art Contemporain de Bordeaux : j’ai vu une exposition où il fallait malmener les installations exposées avec un système de jeu derrière. J’adore dès qu’on touche au tangible !
Dans le même style, j’aurais aimé mettre en œuvre des actions de Xavier Girard, questionner l’ergonomie et l’inconfort comme dans l’exposition Oujevipo. J’ai vu le dossier qui m’a donné très envie. Je trouve ça espiègle, malin et poétique.
Lors des conférences France Design Week en 2020, j’avais été impressionné par Erwan Dieu, le Criminologue qui accompagne des auteurs de crimes avec une simulation. Je ne pouvais pas imaginer cet usage du jeu. Ça m’a touché…
Et bien sûr, voir Arnaud Sylla et Grégoire Latry, les psychologues de Hébé, parler de Life is Strange, un jeu sur la métamorphose adolescente, ça aussi ça m’a touché.
Pour finir, avez-vous des projets, de nouvelles envies liées au jeu ?
Je n’ai pas encore fantasmé de projets, car ma pratique est simple. Et le premier danger de tout opérateur culturel, c’est de fantasmer à la place des publics. On risque de faire des projets hors-sol qui ne les rencontrent pas et auxquels les publics n’adhèrent pas…
Donc mon envie se pose là : identifier des contenus, collecter, recenser des retours d’expérience, créer de l’envie. C’est pour ça que le repérage du panorama est intéressant : ce sera comme le site le fil des images, une mine à creuser pour donner des envies.
Aller plus loin
En savoir plus sur Xavier Louvel
Xavier Louvel — LinkedIn
Pôle de l’éducation à l’image (Ciclic) — Site
Ceux qui ont été cités
Conseil Régional Centre-Val de Loire – Wikipedia – Site
Centre Images — Wikipedia
DRAC Centre – Wikipedia – Site
Passeur d’image — Site
Hébé — Site
Fabien Vidal — LinkedIn
Upopi (Université Populaire des images) — Site
Cultures du Cœur — Site
La Parenthèse (Médiathèque de Ballan Miré) — Site
Centre Jules Verne (Ballan Miré) — Site
JymVerneDeBallan — Site
La F.U.N. (Fabrique d’Usages Numériques) — Site
CAPC Musée d’Art Contemporain de Bordeaux – Wikipedia – Site
Xavier Girard – WordPress – LinkedIn
Exposition Oujevipo — Articles
France Design Week – Site
Erwan Dieu — LinkedIn
Arnaud Sylla – LinkedIn
Grégoire Latry – Cabinet
Le fil des images — Site
Aurélie Brunet – Site
Wakeup Studio – Site
Les jeux qui ont été cités
Magic: The Gathering – Wikipedia – Tric-Trac
Civilization (franchise) – Wikipedia – Steam
Jym’s Space Adventure – Itch.io