Crédit photo : Xavier Adraste

Le : 30 septembre 2021, par Anna Cotard & Xavier Adraste

Xavier Adraste

Fondateur de l’agence Patrimoine Studio. Ex-chef de projet tourisme culturel numérique chez OHRIZON

L'essentiel

« Mon rôle est de sublimer un lieu culturel par le jeu »

Xavier Adraste est le co-fondateur de Patrimoine Studio, une agence d’ingénierie culturelle et numérique. Il a été chef de projets de tourisme digital chez OHRIZON, une entreprise de médiation culturelle et numérique et revient avec nous sur son parcours et ses apprentissages. Il s’occupe de concevoir des parcours numériques destinés à la découverte de lieux culturels en tout genre (musées, châteaux…) et des territoires.

Il mène une réflexion sur un numérique pertinent et porteur de sens.
L’essentiel de son travail est que le jeu mis en place dans un espace culturel respecte l’histoire du lieu, et qu’il soit aligné au message de médiation. Le danger serait d’enfermer les gens dans un écran, alors que l’objectif d’un dispositif numérique est au contraire de leur faire découvrir un lieu, tout en s’amusant.

En fait, Xavier veut transmettre, grâce au jeu, le goût pour les visites de lieux culturels. C’est transformer des endroits pas forcément faciles d’accès, en des lieux attractifs, générateurs de sens et d’apprentissages.

Interview

Bonjour Xavier, qui êtes vous ?

Bonjour, je suis Xavier Adraste.

J’ai deux casquettes professionnelles : une première de formateur (je donne des cours dans des écoles de commerce et dans différents instituts de la région), et une seconde d’entrepreneur. Après avoir été chef de projet chez OHRIZON, j’ai fondé Patrimoine Studio. pour accompagner les lieux culturels dans leurs transitions numériques de façon pus globale que sous l’angle de la réalité augmentée. C’est dans le cadre de ce travail de médiation culturelle et numérique que j’utilise le jeu.
Je m’occupe de la conception de parcours numériques, pour la visite d’une ville (à l’instar de ce qu’on a fait à Dreux pour visiter le centre ville avec des tablettes), ou la visite de châteaux par exemple. Techniquement, je ne fabrique pas le jeu. Ce n’est pas moi qui code le projet en soi, mais par contre, j’assure toute la conception et la gestion de projet.

En fait, mon rôle est vraiment de sublimer le lieu culturel, par le jeu si on peut dire 😉

 

Est-ce que vous jouez ? Et si oui, à quoi ?

Plus jeune, j’ai beaucoup joué aux jeux de rôle tels que Vampire : La Mascarade, ou Donjons et dragons. Et maintenant, arrivé à l’âge adulte, je continue de jouer à des jeux de rôles avec mon fils de 5 ans, où je prends la place de maître du jeu. Le faire jouer, le guider dans ses histoires en live (j’ai plus le temps de préparer de longues campagnes comme avant !), me pousse à être hyper créatif tout en me permettant à la fois de lui transmettre mon goût pour ce type de jeux, et surtout, de passer un moment avec lui !

En fait, ce que j’apprécie par-dessus tout, c’est jouer avec d’autres, c’est partager un moment ensemble. Mes souvenirs marquants de jeux, sont rarement des souvenirs seuls. J’aime jouer avec mon fils parce que ça me permet d’avoir des moments de connexion avec lui. De la même manière, le jeu vidéo, je ne le conçois pas vraiment comme une pratique “solitaire”.

 

Vous nous avez parlé de sublimer le lieu culturel par le jeu. Pouvez-vous développer cette idée ?

Les enfants, dès qu’il y a ne serait-ce qu’un début de jeu, ils adorent ! Ça génère un truc, des endorphines… C’est incroyable ! Mais le jeu va au-delà du côté ludique pour enfants…

Quand on conçoit les parcours, on essaie de présenter le jeu comme un médium attractif pour les familles, mais aussi une promesse d’apprentissage. Dans les Cévennes (musée Moulin Rouge), par exemple, nous avons fait connecter les tablettes entre elles pour que les 2 visiteurs puissent avoir un espace de jeu avec le musée en lien avec les collections. Ainsi, les possesseurs des 2 tablettes pouvaient se challenger sur un jeu.  Ça permet de créer du lien, de passer un moment fun, tout en enrichissant son savoir.

 

Le jeu permet également d’interpréter le patrimoine. Ici, l’objectif n’est pas d’enchainer les minis jeux, mais plutôt de les intégrer dans un récit, dans une mise en scène du musée ou du lieu culturel en général. Ainsi, on peut aussi bien choisir de déployer les basiques de gamification, qui fonctionnent, comme les 7 erreurs, les labyrinthes, des mémorys, (etc) toujours liés à l’histoire du lieu, que des drag and drop (technique du “glisser-déposer”), ou autres jeux qu’on invente. Par exemple, parfois, les visiteurs doivent écouter le son dans la vitrine, et trouver à quoi il correspond grâce à des propositions sur la tablette.

Le jeu peut aussi bien interpréter tout un lieu culturel, comme l’escape game sur iPad, mis en place au Museo Parc d’Alésia pour tout l’été, où le but est de visiter les vestiges antiques, tout en suivant une histoire, que porter sur un tableau du musée par exemple…

 

Dans un autre genre, la ville de Montargis dispose d’une très belle collection de tableaux de Anne-Louis Girodet, un peintre important du 19e siècle. Pour les mettre en valeur, nous avons mis en place une expérience mobile sous la forme d’une application, où les jeux d’interprétation permettent d’aborder l’œuvre avec un regard plus décalé, moins descendant.

En revanche, je ne crois pas au 100% numérique sur les mécanismes de gamification, le format papier peut également être très pertinent. D’ailleurs, je pense qu’on se dirige de plus en plus vers des formats hybrides.

Le plus important est que le jeu respecte l’histoire du lieu, son ADN et, surtout qu’il soit aligné au message de médiation proposé au public.

 

Vous dites que le plus important est que le jeu soit aligné au message de médiation. C’est intrigant… Pouvez-vous développer ce point ?

L’idée, c’est de savoir :

“ Quel espace de gamification veut-on ? ”

Si le numérique est trop présent, je trouve que ça entretient la dictature de l’attention, on est absorbé par l’outil et on ne se préoccupe pas du plus important : la visite en soi. Dans notre industrie, un jeu mal fichu, c’est un écran trop présent je trouve. Et du coup on n’entretient plus des liens directs avec l’œuvre qu’on vient voir. C’est dommage… Parce que quand on rentre dans une structure culturelle, on ne vient pas que voir des œuvres, on vient nouer un lien avec nous même et ces œuvres d’art.  Elles tissent un lien entre notre identité et notre patrimoine. On en revient toujours à une question…

“ Quel numérique et quelle mise en jeu veut-on ? ” 

Un jeu qui renferme les gens sur des tablettes, qui nous isole ? Je ne crois pas…
Mal pensé, il peut menacer la relation qu’on entretient  avec les œuvres, le site La solution d’un jeu par exemple, ne doit pas être sur tablette, mais dans le musée. Il faut que les visiteurs soient amenés à lever la tête de l’écran pour chercher les indices, les détails dans le décors, etc. Il faut profiter de cet écran, pour qu’il s’efface au profit de ce qui est autour de nous ! Facile à dire, mais ce n’est pas si facile à faire !

 

Qu’est-ce qui vous a amené à utiliser le jeu comme médium ?

Petit, j’ai eu la chance d’aller visiter des musées, aussi bien gamifiés (avec des livrets), que non gamifiés. Et j’en garde encore aujourd’hui de très bons et de mauvais souvenirs ! Proposer de la gamification numérique dans les lieux culturels permet de les rendre plus accessibles, moins hostiles, tout en se démarquant du marché existant… En tant que fondateur et  chef de projets réunissant enjeux historiques et numériques (développement du jeu), je pense avoir des choses à apporter dans la mesure où je comprends aussi bien les contraintes des codeurs, comme tous mes amis sont issus du milieu scientifique, tout en étant capable d’échanger avec des conservateurs ou des architectes (grâce à mon appétence artistique et historique). Ce trait de ma personnalité est un vrai plus pour mon métier.

 

Avez-vous vu d’autres actions qui vous ont particulièrement touchées ?

Les premiers jeux vidéo. Les premières connexions à Internet !

En tant que gamer, mes premières nuits en 2000 passées à jouer en réseau à Diablo ou Civilization, sont des moments qui m’ont fortement marqués. Le jeu collectif et les souvenirs que j’en garde, me touchent énormément.

 

Avez-vous de nouveaux projets ?

Bien sûr, j’ai plein d’autres projets en cours liés à l’intégration du jeu dans des lieux culturels, mais avec des enjeux différents à chaque fois…
Typiquement, en ce moment, la mise en place d’un jeu pour un musée est un vrai challenge puisque celui-ci doit à la fois,mettre en valeur un passage de l’histoire sans trahir la réalité historique, et tout en respectant les codes de réception de la cible. C’est un véritable défi !

Par ailleurs, je commence à développer des projets en no-code, c’est-à-dire, sans une ligne de code. C’est hyper enthousiasmant, une révolution est en cours. En fait, ce serait sympa de réaliser un projet avec l’aide de Fabien Vidal en Touraine.

Aller plus loin

En savoir plus sur Xavier Adraste

Xavier Adraste – Linkedin

 

Ceux qui ont été cités

Patrimoine Studio – Site

OHRIZON – SiteLinkedIn

Cherbourg – Wikipedia –  Site

Montréal – Wikipédia

Dreux – Play Store 

Musée des traditions dans les Cévennes : Musée Maison rouge – Site 

Les Cévennes  – WikipediaSite

MuséoParc Alésia – WikipédiaSite 

Montargis – Wikipedia

Anne-Louis Girodet – Wikipedia

Musée Girodet à Montargis – WikipédiaSite des musées de la Région Centre 

Application mobile du musée de Montargis – Office de tourisme MontargisExplor visit

 

Les jeux qui ont été cités

Donjons et Dragons – Wikipedia 

Vampire : La Mascarade  – Wikipedia 

7 erreurs – Wikipédia 

Escape Game – Wikipedia 

Labyrinthe (jeu) – Wikipedia

Memory – WikipediaTric Trac

Quiz – Wikipédia 

Diablo – Wikipédia 

Civilization – Wikipédia Steam