Crédit photo : Sylvain Lambert

Le : 29 septembre 2021, par Fabien Vidal et Sylvain Lambert

Sylvain Lambert

Entrepreneur et créateur de GéoMOTifs

L'essentiel

« Plutôt que de partir à la chasse de Pikachu virtuel, j’invite le joueur à partir à la chasse aux engoulants, rinceaux ou volutes (…) à les lier à leur contexte architectural, voire historique. »

Sylvain Lambert est un entrepreneur qui a créé GéoMOTifs, une solution qui a pour mission de faire découvrir par le jeu les décors de l’architecture ainsi que le vocabulaire qui les désigne, et l’ambition d’en faire un but de visite à part entière.

Plus que le numérique, c’est la médiation par le jeu qui est importante pour Sylvain.

Interview

Bonjour Sylvain, qui êtes-vous ?

Bonjour, je suis Sylvain Lambert, le créateur de GéoMOTifs. Je suis quelqu’un de curieux !

J’ai fait de l’informatique, travaillé dans l’aéronautique et l’assurance des personnes, j’ai été salarié de grands groupes… Puis, j’ai voulu changer. Et j’ai décidé de m’investir dans un projet qui avait plus de sens pour moi. Alors j’ai créé GéoMOTifs : à l’origine, une application qui vise à faire découvrir le patrimoine ornemental au grand public, plutôt que de le réserver aux spécialistes, car ces décors omniprésents possèdent le pouvoir de vous donner envie de vous enrichir, d’en savoir plus, une fois que vous les avez apprivoisés. La nouvelle version de ces chasses aux décors, hébergée sur l’application BALUDIK, vous emmène en balade, la tête en l’air, débusquer les formes (et leur nom) qui décorent nos murs.

L’objectif, c’est de devenir capable de reconnaître et surtout nommer un motif dans un environnement familier, d’une manière qui transforme le regard. L’outil ludique n’est qu’un média, pas une fin en soi.

 

Êtes-vous joueur ? Et si oui, à quoi jouez-vous ?

J’ai beaucoup pratiqué les jeux vidéo étant jeune, et comme je vais avoir 50 ans, j’ai donc commencé avec… Pong sur console de jeux. Puis s’en est suivi la saga Atari, grand fan, jusqu’au lycée avant d’interrompre quelques années pour redécouvrir les jeux en réseaux une fois étudiant. À ce titre, je conseille l’excellente série documentaire high score sur Netflix, traitant de la genèse des hits ludiques qui ont animé les nuits de jeu de ma catégorie d’âge… À l’armée, c’est Warcraft 2 qui a modifié ma perception du temps.

Mon dernier plongeon, ça a été Red Dead Redemption 2, duquel j’ai eu du mal à m’extraire, tant on peut s’y perdre du fait de l’étendu de l’univers, et de la pertinence des interactions avec l’IA des personnages non-joueurs. Le fait que je sois sensible à l’univers des cowboys parle bien de mon âge 😉

Je joue aussi à Toyblast sur mon téléphone. Et je suis joueur de jeux de plateau, de jeux de rôle, de jeux de cartes…

En fait, j’ai toujours eu envie de créer des jeux… Et finalement, j’ai en partie réalisé ce rêve dans GéoMOTifs, même s’il n’y a pas de boucle de gameplay addictive.

 

Comment utilisez-vous le jeu dans GéoMOTifs ?

Comme je l’expliquais, l’objectif est de faire découvrir le monde des décors de l’architecture en jouant avec les formes récurrentes et le vocabulaire qui les désigne.

À la manière d’un jeu de piste, plutôt que de chasser des objets virtuels ou de trouver des caches physiques, j’utilise les décors architecturaux pour créer une mécanique de jeu et inciter à la déambulation. Ce sont essentiellement des jeux d’observations in situ qui vont permettre aux joueurs de s’imprégner visuellement de l’objet recherché dans son contexte, et de s’en souvenir grâce à la satisfaction de la découverte, pour peu que la quête soit bien faite et adaptée à la mise en valeur de chaque type de motif. Il n’y a pas besoin d’artifices techniques spectaculaires : en matière d’imprégnation, rien ne remplace l’observation de l’œuvre in situ, l’outil numérique n’est pas une fin en soi. En revanche, il convient d’apprécier la matière, de s’approprier les lieux et de disposer d’une application ergonomique et performante pour proposer des expériences mémorables, qui transformeront le regard du public sur les villes et monuments visités avec GéoMOTifs.

C’est une invitation à lever la tête, se rapprocher de la pierre, puis prendre du recul pour voir le détail dans son immensité.

Je travaille avec des villes et collectivités territoriales à la recherche de nouvelles opportunités et thématiques d’animation et de rayonnement, souhaitant exploiter leurs gisements ornementaux à des fins touristiques, culturelles et pédagogiques. Je travaille par exemple avec Orléans et Tours, ou avec quelques conseils départementaux, comme celui d’Indre-et-Loire avec qui nous avons mis en valeur l’Hôtel Goüin.

 

Comment en êtes-vous venu à vous lancer dans ce projet ludique ?

C’était en 2014. En fait, c’est un livre qui m’a conduit vers cette aventure numérique : Le vocabulaire illustré de l’ornement.

Je suis allé me promener dans une ville que je connaissais bien, Périgueux, avec ce livre sous le bras. C’est un très beau livre, une sorte de dictionnaire qui permet de mettre un nom sur les formes récurrentes qui peuplent les décors du patrimoine. La magie de ce livre est qu’il y a une entrée par l’image, et la typologie de la forme, qui permettait d’accéder plus facilement aux mots et à leurs définitions.

J’ai commencé à tenter de nommer des détails auxquels je n’avais jamais prêté attention auparavant, j’ai trouvé cela amusant, et malgré moi c’est devenu une drogue. C’est un peu comme aller aux champignons dans une grande forêt : tant que vous ne saurez pas voir et reconnaître des chanterelles, vous marcherez dessus sans vous en soucier. Une fois que vous leur aurez donné du sens, par l’apprentissage, ludique ou non, vous en apprécierez toute la valeur.

À priori, je n’étais pas prédestiné à me passionner d’architecture et de patrimoine. Alors, si ça a marché avec moi, pourquoi pas pour les autres aussi ? GéoMOTifs est né de cette volonté de transmettre cette expérience personnelle, et de donner envie d’en savoir plus.

En 2014, j’avais développé ma propre application numérique avec Mazedia, une entreprise de Nantes, leader en matière de médiation culturelle numérique.

Alors, lorsque la première application est devenue obsolète, plutôt que de réinvestir dans une nouvelle application coûteuse et énergivore, j’ai préféré me recentrer sur la création de contenus. Avec les équipes de Baludik, j’ai entièrement repensé et migré les chasses aux décors sur leur application, les rendant au passage plus ludiques et accessibles, sans pour autant renier ce qui en fait la substance.

 

Pouvez-vous nous parler d’autres utilisations du jeu qui vous ont touchées ?

C’était à Royan, qui possède un patrimoine unique de reconstruction d’après guerre, imprégné de l’architecture du Brésil des années 40, mais où la gargouille se fait rare, et où les rinceaux ont été désherbés. Cherchant à créer tout de même une collection de photos, mais ne sachant pas identifier ce qu’il fallait voir dans cette architecture qui m’était jusqu’alors hermétique, j’ai suivi les consignes d’un des livrets de jeu des explorateurs (pour jeune public !), édité par la ville, dont le thème est… Une chasse aux décors ! Et la magie a opéré une nouvelle fois, transformant par le jeu le regard du néophyte, donnant ainsi de la valeur à mes yeux à un quartier avec lequel je n’avais aucun lien. Une illustration parfaite qu’un travail de valorisation culturelle, y compris par le jeu, peut générer de l’attractivité économique.

 

Pour finir, avez-vous des projets, de nouvelles envies liées au jeu ?

Une première étape vers de nouveaux projets ludiques autour des décors a été, cet été, de refondre mon site web, pour offrir au public la possibilité de déambuler à loisir dans un univers visuel dédié aux décors. Toujours dans le but de transformer le regard des publics sur une ville, un édifice, l’objectif est aussi de permettre à mes partenaires de rayonner virtuellement grâce à leurs gisements architecturaux, et d’offrir un regard singulier sur la beauté des décors qui nous entourent. Quant à développer de nouveaux jeux autour des décors, j’en ai plein les cartons, mais chaque chose en son temps !

 

Aller plus loin

En savoir plus sur Sylvain Lambert

Sylvain Lambert – LinkedIn

GéoMOTif – Site

 

Ceux qui ont été cités

Baludik – Site

Atari – Wikipedia

High Score – SensCritiqueNetflix

Netflix – Wikipedia

Orléans – WikipediaSite

Tours – WikipediaSite

Indre-et-Loire – WikipediaSite

Hôtel Goüin – Wikipedia Site

Le vocabulaire illustré de l’ornement, aux éditions Eyrolles – Éditeur

Périgueux – WikipediaSite

Mazedia – Site

Nantes – WikipediaSite

Ville de Royan – Wikipedia Office de Tourisme

Architecture brésilienne des années 50 – Wikipedia

 

Les jeux qui ont été cités

Pong – Wikipedia

Warcraft II – WikipediaGog

Red Dead Redemption II – Wikipedia Steam

Toy Blast – WikipediaGoogle Play

Jeu de plateau – Wikipedia

Jeu de rôle – Wikipedia

Jeu de cartes (à collectionner) – Wikipedia

Pokémon Go (Pikachu) – WikipediaGoogle Play

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