
Le : 29 septembre 2021, par Fabien Vidal
Matthieu Boissinot
Professeur 3D et moteur de jeu Unity à l’Ecole Brassart
L'essentiel
« Comme quand j’étais petit, ce qui m’a intéressé, c’était de comprendre les rouages, ce qui une fois imbriqué ensemble fait le jeu. »
Matthieu Boissinot est le coordinateur de la section «Conception Réalisation 3D » à l’école de graphisme Brassart à Tours. Il accompagne aussi le groupe et ses 13 sites en France dans le développement des spécialités Game Design et 3D.
Pour lui, la création de jeux par ses étudiants, que ce soit en game jam, pour des concours ou dans des projets semi-professionnels, est fondamentale dans leur formation. Ça leur permet de se confronter au monde extérieur et de se faire connaître.
Mais ce qui fascine Matthieu ce sont les utilisations des technologies du jeu vidéo dans le domaine du patrimoine : la manière dont elles permettent d’explorer ces lieux tels qu’ils étaient à l’origine, celle dont elles aident parfois à faire des découvertes historiques, mais aussi ces moments où les utilisateurs se réapproprient ces simulations pour jouer et nourrir leurs curiosités !
D’ailleurs s’il avait le temps, Matthieu aimerait créer un jeu, pour lui.
Interview
Bonjour M. Boissinot, qui êtes-vous ?
Bonjour, je suis Matthieu Boissinot. J’ai 32 ans et je suis game designer de formation. J’ai travaillé dans des structures de taille différentes en France, en Roumanie, en Lituanie, et au Canada.
Depuis la fin 2017, je suis enseignant à l’école Brassart à Tours comme professeur dédié au jeu vidéo, un module que j’ai monté. Puis on m’a proposé de coordonner la section « animation 3D ».
En quelques années, le groupe Brassart s’est beaucoup développé. Des écoles ont été rachetées, et depuis 2019 nous regroupons 13 sites en France. Alors, je participe également à la refonte des programmes 3D et Game Design du groupe. Et comme la 3D pour jeu se développe partout, et que je sais aussi coder, j’interviens dans plusieurs sites pour donner la possibilité que des jeux sortent de nos écoles et qu’ils soient jouables.
À Tours, en Conception Réalisation 3D, nous formons d’abord des designers de game arts (les créations visuelles dans les jeux). En plus, même si ce n’est pas le cœur, nous apprenons aussi un peu à programmer à ceux qui le veulent. Par ailleurs, la formation évolue : cette année, nous avons inclus de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée.
Si on regarde ailleurs, à Brassart Aix-en-Provence, il y a une filière Game Design. L’enjeu est d’arriver à faire que les game designers soient des couteaux suisses du jeu vidéo (conception, code, créer les graphismes…) pour qu’ils aient une vision d’ensemble et soient capables de faire de vrais jeux. C’est-à-dire savoir parler la même langue que ceux qui sont avant et après eux, comme s’ils étaient un maillon qui n’est pas déconnecté. Et qu’au contraire, ils puissent anticiper les problèmes qu’il y aura après,et comprendre d’où viennent les problèmes actuels.
Comme tous les enseignants, j’ai une autre activité à côté des cours : je crée des applications web avec des entreprises de Tours et de Bordeaux en tant que développeur freelance, notamment sur des projets historiques. Je complète avec des prestations à une entreprise qui fait des films avec de l’interactivité.
Êtes-vous joueur ? Si oui, à quoi jouez-vous ?
Je joue au MMO RPG WoW depuis 15 ans ! (Massively Multiplayer Online Role Playing Game ‘ World of Warcraft’, ou Jeu de rôle en ligne massivement multiplayer ‘World of Warcraft’). Je joue aussi à Gears of Wars et Assassin’s Creed.
Et avec ma compagne, nous jouons à des jeux coopératifs, comme Hyrule Warriors ou d’autres…
Vous formez des étudiants à la 3D pour les jeux vidéos. Mais quelle place a le jeu dans votre travail ?
Dans le cadre scolaire, mis à part la formation sur l’animation 3D, nous avions présenté un projet de jeu à quelqu’un d’ARTE, sur « les grands accidents de l’histoire ». Par exemple le naufrage du Titanic, la mort de Claude François… En amont de la scène, le joueur devait mettre en place tous les éléments pour que l’accident ait lieu, ce qui déclenchait ensuite une réaction en chaîne jusqu’à l’accident. Ce concept est super flexible et peut être appliqué à tout et à rien ! Mais avec le COVID, nous avons perdu le contact…
Et il y a aussi les game jams HitboxMakers de l’association PALO ALTOURS dont nous sommes partenaires. C’est un événement où une cinquantaine de personnes se réunissent pendant 48h pour créer des jeux. Nous proposons à nos étudiants d’y aller. C’est une bonne mise en condition !
Déjà, c’est pour eux la première approche du monde extérieur à l’école : ils sont intégrés à une équipe qu’ils ne connaissent pas et ils doivent travailler ensemble. Ils s’apportent mutuellement des choses pour réaliser un projet en un temps très court. C’est une démarche qui me plait ! D’ailleurs, j’y participe également tout en soutenant et aidant les autres participants qui pourraient être moins expérimentés. C’est un échange permanent qui est profitable à tout le monde, eux comme à moi.
En effet, j’ai besoin de leur faire expérimenter la démarche projet, même (surtout…) s’il y a de l’échec ! Car c’est de l’échec bienveillant que l’on arrive à progresser. Dans ce court laps de temps, je constate qu’il y a une prise de maturité. Les jams ont aussi permis à certains de s’orienter : quelques-uns qui se destinaient au film sont par la suite partis dans le jeu.
En tant que Freelance, j’ai aussi un lien avec les technologies du jeu lorsque nous travaillons sur des projets historiques. Avec Dripmoon, nous redonnons vie à des patrimoines disparus en travaillant avec des historiens, notamment avec le CESR (Centre d’études supérieures de la Renaissance) à Tours et sur des sites Gallo-Romains. Nous avons mis en place de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée.
Nous avons aussi modélisé le château de Montargis, et le centre historique de Tours au XVe siècle pour faire des visites interactives.
Comment en êtes-vous venus à utiliser le jeu sur le plan professionnel ?
J’ai découvert le jeu dans les années 90 sur ma NES (une console de jeu). Mais tout petit, j’avais déjà de la curiosité. En fait, j’avais beaucoup de mal à m’amuser : j’avais envie de savoir comment ça fonctionne.
Dès que j’ai eu l’occasion, je me suis lancé. Les études ne m’aimaient pas, alors j’ai fait l’armée pendant 6 mois. Mais j’ai rapidement eu envie de faire quelque chose d’autre. J’ai découvert l’ESMA (école supérieure des métiers artistiques). Coup de bol ! Ils ont ouvert une section de game designer l’année où j’y étais. J’y suis allé, et comme quand j’étais petit, ce qui m’a intéressé, c’était de comprendre les rouages, ce qui une fois imbriqué ensemble fait le jeu. Lorsque le projet est fini, ça m’intéresse moins…
Pouvez-vous nous parler d’autres utilisations du jeu qui vous ont touchées ?
Ce qui me touche, ce sont les utilisations que l’on peut faire des technologies du jeu vidéo, que ce soit avec du jeu ou non. Elles permettent de découvrir un patrimoine disparu, de voir comment ça se passait à l’époque. Par exemple, comment était la basilique Saint-Martin il y a 500 ans (projet ReViSMartin) ?
Ce que j’aime, c’est quand le jeu permet de faire des découvertes scientifiques. Par exemple au château de Montargis, l’objectif était, à partir des gravures anciennes, de visualiser ce que ça donnait sur l’implantation au sol. La reconstitution 3D a permis d’infirmer et de confirmer certaines théories : on pensait par exemple que les jardins avaient été construits en 2 ans. Mais vu l’ampleur, cela a dû prendre 15 ans.
Ce qui était intéressant aussi, c’est la manière dont les gens se sont approprié la reconstitution, et ont commencé à jouer avec alors que ce n’était qu’une simulation. Certains ont juste regardé. D’autres étaient étonnés de voir que certaines choses existaient encore. D’autres encore sont allés enquêter sur internet pour retrouver des traces sur ce qu’il y a aujourd’hui. Ça me passionne ! Je dois avoir une mentalité de chercheur… Mais c’est complexe à associer avec une entreprise.
Pour finir, avez-vous des projets ou de nouvelles envies liées au jeu ?
J’ai envie de faire des simulations d’entreprise avec les étudiants pour les professionnaliser. Leur donner des projets qu’ils puissent concrétiser, comme une mini-série, et qui leur servent de tremplin. Par exemple, il faudrait qu’ils participent au prix étudiant aux Pégases d’Or. Il y a des milliers de professionnels qui voient ça ! Ça donnerait un vrai but à leurs projets. Mais j’ai besoin de soutien ! Tout seul, je n’y arriverai pas.
J’aimerais également être acteur de la création d’une espèce de groupe, d’association, ou de consortium qui mettrait en relation les entreprises relatives au jeu et à la 3D de la Région pour leur donner des possibilités de développement plus fortes.
À titre personnel, j’aimerais aussi avoir le temps de me poser pour faire un jeu, pour moi et pour travailler avec ma compagne. Mais je n’ai pas assez de temps…
Aller plus loin
En savoir plus sur Matthieu Boissinot
Matthieu Boissinot – LinkedIn
Brassart Campus de Tours – Wikipedia – Site
Ceux qui ont été cités
France – Wikipedia
Roumanie – Wikipedia
Lituanie – Wikipedia
Canada – Wikipedia
Brassart Campus d’Aix-en-Provence – Site
ARTE (association relative à la télévision européenne) – Wikipedia – Site
Le Titanic – Wikipedia
Claude François – Wikipedia
HitboxMakers – Site
PALO ALTOURS – Site
Dripmoon – Site
CESR (Centre d’étude de supérieures de la Renaissance) – Wikipedia – Site
Gallo-Romain – Wikipedia
Château de Montargis – Wikipedia – Transmedia Lab (Visualisation 3D)
Nintendo Entertainment System (NES) – Wikipedia
Armée française – Wikipedia – Site
ESMA (Toulouse) – Wikipedia – Site
Basilique Saint-Martin de Tours – Wikipedia
ReViSMartin – Transmedia Lab (Visualisation 3D)
Les Pégases – Wikipedia – Site
Les jeux qui ont été cités
World of Warcraft – Wikipedia – Site
Gears of Wars – Wikipedia
Assassin’s Creed – Wikipedia
Hyrule Warriors – Wikipedia
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