
Le : 29 septembre 2021, par Fabien Vidal
Marie Olivron
Cheffe de projet Nouvelles Renaissance(s] au Conseil Régional Centre-Val de Loire
L'essentiel
“C’est un discours porté par le président de Région : nous avons besoin de développer le ludique et le numérique
dans les lieux de tourisme.”
Marie Olivron est cheffe de projet Nouvelles Renaissance(s] au Conseil Régional Centre-Val de Loire, un projet sur plusieurs années qui vise à mettre en valeur le Région en fédérant une programmation culturelle et touristique.
À ce titre, Marie a eu l’occasion de sélectionner et d’accompagner de nombreuses expérimentations numériques et ludiques. Une des plus visibles était le “Centre-Val de Loire Fornite Tours” : inviter les joueurs du monde entier à faire la course sur des maps Fortnite représentant les châteaux de la Loire. Le projet a demandé un important travail d’acculturation, pour les châteaux, mais aussi pour les acteurs du Esport. Mais a suscité un vif intérêt du secteur.
Ce sont aussi des efforts qui comptent : pour Marie, le ludique est une autre manière de développer les imaginaires, les interactions et les contenus. Son développement est un incontournable aujourd’hui et peut intéresser tous les publics.
Interview
Bonjour Mme Olivron, qui êtes-vous ?
Bonjour, je suis Marie Olivron, cheffe de projet Nouvelles Renaissance(s] au Conseil Régional Centre-Val de Loire. J’ai été recrutée en 2017 à l’occasion des 500 ans de la Renaissance.
Les Nouvelles Renaissance(s] est un programme culturel et touristique pour mettre en valeur la Région, avec l’ambition de faire collectif avec les acteurs du tourisme et de la culture. Faire qu’ils se rencontrent et échangent autour de 4 thématiques : nature et patrimoine, création et culture, art de vivre et gastronomie, science et innovation.
De manière pratique, nous avons construit une programmation collective qui recense les animations et les valorise auprès du grand public.
Nous avons également lancé plusieurs appels à projets. En 2019, l’année des 500 ans, nous avions labellisé 1300 projets et cofinancé 50. Le relai presse avait été bon, et ça avait eu de très fortes retombées touristiques : cette année là, 1 visiteur sur 5 était lié aux 500 ans !
En 2020, 300 évènements se sont concrétisés avec 35 projets cofinancés. Et en 2021, en période “post-covid”, ce sont plus de 500 évènements labélisés avec 120 projets cofinancés.
En résumé, les Nouvelles Renaissance(s] est un projet de Marketing territorial avec un budget annuel d’un peu moins d’1 million d’euros, 30 % en communication et 70 % pour les projets. Et mon rôle est de gérer le volet animation du collectif, la programmation et la mise en réseau des acteurs.
Si vous êtes joueuses, à quoi jouez-vous en ce moment ?
En ce moment, je joue à un jeu d’exploration sur Switch, Journey to savage Planet ! On est en mission sur une planète inconnue. On découvre qu’il y a des formes de vie, et il faut les identifier avec des méthodes plus ou moins scientifiques. C’est très drôle et esthétiquement haut en couleurs. Il faudrait que je le teste avec un casque VR !
Le jeu a-t-il une place dans votre travail ?
Dans le cadre des Nouvelles Renaissance(s], un objectif était d’offrir un espace d’expérimentation, ludique ou numérique.
Avant le ludique, il y a déjà eu des expérimentations numériques. Une première a été l’utilisation d’un nouvel outil, PubliData, pour collecter la programmation. Il est pratique, car il permet aux porteurs d’animation de se connecter directement, mettre leurs contenus sur le site et le modifier. Choses qu’ils ont appréciées ! Mais la complexité, c’était que les offices du tourisme travaillent avec un autre outil, Tourinsoft, qui a des qualités sur la mise en relation, mais qui n’offre pas cette autonomie. Du coup, ça a été des heures d’assistance individuelle… Et une expérience sur le déploiement de nouveaux outils collectifs…
Une autre expérience a été la mise en place d’un chatbot, qui visait à relier culture, gastronomie et création. Nous avons créé une base de données initiale, mais personne ne l’a mise à jour : elle n’était pas structurée pour. Alors par manque de connaissances et de moyens, nous l’avons vite arrêtée…
Concernant les projets interactifs et ludiques, nous en avons soutenu plusieurs. Dès le début, nous avons travaillé avec le Centre d’Etudes Supérieures de la Renaissance et Intelligence des Patrimoines. C’est lui qui a pris la tête sur la partie scientifique. Mais associer tourisme et recherche est complexe, car généralement la recherche se fait sur un temps long. Cela dit, la plupart des projets d’Intelligence des patrimoines ont pu y être inscrits, et quelques acteurs du numérique et du ludique ont proposé des choses qui ont pu être soutenues (soit labellisées, soit financées) :
En 2019, nous avons soutenu Histovery, qui a déployé l’Histopad dans de nombreux châteaux, c’est un outil de visite en réalité augmenté. Nous en avons fait des ambassadeurs ! Nous les avons emmenés en tournée mondiale, invités à des conférences de presse…
Il y a aussi eu Promotec, qui travaille sur des capteurs autonomes pour surveiller les conditions de conservation des œuvres. Ils expérimentaient sur une itinérance lors du défilé des fêtes de Jeanne d’Arc à Orléans : lorsque les personnages défilaient devant eux, le public pouvait recevoir du contenu informationnel sur leurs smartphones. Ils nous ont proposé de travailler sur des cartels numériques lors d’une exposition sur les métiers d’art.
D’autres projets ont été proposés par ClicMuse, une plateforme médiation culturelle numérique ; Patrivia, une plateforme de vente en ligne de billet pour les châteaux ; SkyBoy, un parcours de visite virtuelle 3D sur des bornes ; GéoMOTifs, un jeu en réalité augmenté sur les détails architecturaux ; Foxie, une application de jeu de piste sur le patrimoine, le Centre-Val de Loire Fortnite Tour…
Justement, pouvez-vous nous en dire plus sur cette action avec Fortnite ? C’est un nom qui retient l’attention…
Dans le cadre de l’appel à projets Nouvelles Renaissance(s], Vincent Marty, de ESL Gaming France est venu nous proposer de nous appuyer sur la filière Esport de la région pour mettre en scène des châteaux de la Loire dans le jeu Fortnite. C’est un jeu très populaire dans le monde entier auprès des adolescents. Ce projet avait une forte dimension communication : il allait être mis en oeuvre par l’agence de communication Esport WSC Group, en lien avec le média Breaklip, Solary, des streamers très connus, ainsi que Nota Bene, un youtubeur avec une belle audience et spécialisé dans la vulgarisation historique.
L’idée nous a plu. Avec Baptiste Chapuis, le chargé de mission Stratégie Numérique du Conseil régional, nous avons présélectionné plusieurs lieux de patrimoine : il y avait des incontournables, comme Chambord et le Clos Lucé. Mais nous avions envie aussi de mettre en valeur des châteaux moins connus. Baptiste avait pensé à l’abbaye de Noirlac, et moi j’avais proposé la forteresse de Chinon, ou le château de La Valette qui est entièrement graffé.
Ensuite, le projet a été un très gros travail d’acculturation et de discussion entre les châteaux et les acteurs du Esport…
Il a d’abord fallu faire comprendre aux châteaux ce qu’était Fortnite. Montrer le mode créatif, où les joueurs ne sont pas obligés de s’entretuer. Ce travail était indispensable ! Prenons le Château de Chaumont-sur-Loire par exemple. Il cultive une image poétique, alors les responsables auraient vu une grosse faute de communication à le mettre en scène dans un jeu de guerre ! C’est pourquoi nous avons insisté sur le mode créatif de Fortnite.
Mais ce qui a vraiment lancé l’action auprès des châteaux, c’est l’intervention de Nota Bene. Ça a même pris le pas sur la création des cartes de jeu…
Il fallut faire un travail auprès des streamers : ils étaient là pour jouer. Or les châteaux étaient là pour leur communication. Il a fallu les accorder. En tout, ce fût un gros travail de coordination et à ce titre, je ne peux que saluer l’investissement et la réactivité de Théo Cellé de WSC Group qui a travaillé sur ce sujet à mes côtés.
Sur les résultats, il y a eu 2 sons de cloches : d’un côté, on s’attendait à ce que ça puisse toucher les familles, que ce soit un moment de partage et de compréhension mutuelle. Je ne sais pas si nous avons touché notre public. Nous le verrons lors des retours des châteaux en fin de saison touristique.
Mais de l’autre, ce projet a beaucoup intéressé le milieu professionnel et les autres régions. Les châteaux ont eu un bon taux d’engagement sur les plans de communication, et ils ont apprécié de travailler ensemble autour d’un projet régional commun.
Comment en êtes-vous venus à vous intéresser au jeu en lien avec le tourisme ?
C’est un discours porté depuis longtemps par le président de Région : nous avons besoin de développer le ludique et le numérique dans les lieux de tourisme.
Le ludique est important pour aller chercher certains publics. C’est une autre forme de médiation, une autre manière d’aborder les choses : on doit arriver à utiliser cet espace pour développer l’interaction et les contenus. Il faut qu’on puisse proposer différentes formes de transmissions. Ce que veut dire aussi chercher de la diversité : l’Histopad est une très bonne médiation. Mais il est partout dans la région, ce qui risque de faire une offre uniformisée.
Cette diversité est au cœur du sujet.
Y a-t-il d’autres utilisations du jeu qui vous ont touchées ?
À titre personnel, j’adore visiter des expositions en réalité virtuelle ! J’en ai fait beaucoup pendant le confinement et j’ai adoré. Ça ouvre de nouvelles possibilités : pouvoir saisir certains objets, les observer de près en haute définition. Alors que dans un musée on passe à côté, mais on ne peut pas les manipuler.
Pour finir, avez-vous des projets ou de nouvelles envies liées au jeu ?
Ce qui serait intéressant, ce serait de sortir des lieux habituels. Il existe déjà en région des expériences qui sortent des sentiers battus comme par exemple à Chinon, un escape game dans un chai. Mais on peut tout imaginer et on commence à être rodé sur ces animations dans les châteaux…
Il y a d’autres projets inspirants : au Château d’Eau à Bourges, des professionnels de la modélisation et des étudiants travaillent ensemble pour créer un environnement immersif.
Il y a aussi le Clos Lucé, qui vient d’ouvrir sa galerie numérique « Léonard de Vinci, peintre et architecte » dans lequel se trouve un espace gaming.
Ou encore, le Château de Beaugency. Il est géré depuis peu par un couple de jeunes créatifs qui explorent des choses intéressantes. Ils y ont créé un lieu de patrimoine dédié au numérique et ils souhaitent développer de nombreux projets, comme par exemple des portails vers d’autres châteaux. C’est une super idée de faire des passerelles entre les lieux patrimoniaux de la région…
Aller plus loin
En savoir plus sur Marie Olivron
Marie Olivron – LinkedIn
Ceux qui ont été cités
Les Nouvelles Renaissance(s] – Site
Conseil Régional Centre-Val de Loire – Wikipedia – Site
Nintendo Switch – Wikipedia – Site
Publidata – Site
Tourinsoft – Site
Chatbot – Wikipedia
Centre d’études supérieures de la Renaissance – Wikipedia – Site
Intelligence des Patrimoines – Site
Histovery – Site – Article (Château de Chambord)
Promotech – Site – Article (France Bleu – Cortège Jeanne d’Arc)
Les fêtes de Jeanne d’Arc – Wikipedia – Article (Orléans Métropole)
ClicMuse – Site – LinkedIn (Aude Lebel)
Patrivia – Site
SkyBoy – Site
ESL Gaming (Electronic Sports League) – Wikipedia – Site
WSC Group – Site
Nota Bene – Wikipedia (Benjamin Brillaud) – YouTube
Baptiste Chapuis – LinkedIn – Site
Château de Chambord – Wikipedia – Site
Château du Clos Lucé – Wikipedia – Site
Abbaye de Noirlac – Wikipedia – Site
Forteresse Royale de Chinon – Wikipedia – Site
Château de La Valette – Wikipedia – Site (Office de Tourisme du Loiret)
Château de Chaumont-sur-Loire – Wikipedia – Site
Théo Cellé – LinkedIn
Le Château d’Eau (Bourges) – Site
Château de Beaugency – Wikipedia – Site
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