Crédit photo : Frédéric Dufau

Le : 2 décembre 2021, par Anna Cotard

Frédéric Dufau

Associé et chef de projet innovation au CEFIM (l’école du web et des réseaux)

L'essentiel

« La simple posture de créer du jeu vidéo est un levier de motivation colossale »

Frédéric Dufau est en charge de l’innovation à l’école du web et des réseaux, le Cefim. Ce qu’il aime, c’est le pouvoir fédérateur et pédagogique du jeu ! Il constate que, même sans gamification, la simple posture de se mettre à créer du jeu vidéo est un levier fédérateur et de motivation colossale ! C’est ce qu’il a vécu en réalisant un vieux rêve : créer des bornes d’arcades, avec ses collègues et étudiants, et les exposer au salon VivaTech à Paris. Bien que le salon regorge d’inventions de pointe, leur stand n’a pas désempli ! Et ce projet a créé une belle cohésion d’équipe.

Frédéric est également attaché à la valorisation de l’Histoire et du patrimoine par le numérique. Dans une expérience passée, il a conçu une expérience ludique spectaculaire, où le public colorait les arcades de l’abbaye de Fontevraud. L’exemple même de la mobilisation de mécaniques ludiques dans le cadre d’une visite culturelle, pour étonner et redonner toute sa splendeur à un édifice.

Interview

Bonjour Frédéric, pouvez-vous vous présenter ?

Bonjour, je suis Frédéric Dufau, en charge de l’innovation au CEFIM, l’école du web et des réseaux. J’ai un rôle transversal sur “l’expérience de formation” qui englobe un spectre à 360°, qui va de la communication, aux contenus pédagogiques, ou encore en contribuant à la mise en œuvre du référentiel de qualité national Qualiopi (attestation de la qualité pour les organismes de formation, nécessaire pour obtenir des financements)…

Avant mon passage au CEFIM, j’ai travaillé en agence dans la création d’expériences digitales “haut de gamme”, puis je suis devenu designer interactif (design + dev) indépendant pendant 5 ans. À la suite de cette expérience de freelance, j’ai souhaité rejoindre une équipe et un projet. J’ai donc rejoint l’équipe de l’Abbaye de Fontevraud en 2013 pour prendre en charge des projets alliant numérique et patrimoine. Le site était en pleine rénovation, et nous avons pu explorer et développer plusieurs projets numériques ambitieux dans le contexte patrimonial.

 

Est-ce que vous êtes un joueur ?

J’ai été un joueur ! Je jouais à Age of Empire, un jeu de civilisation et j’ai fait mon premier réseau local, ma première LAN sur Diablo. À l’époque, le côté collaboratif du jeu vidéo me fascinait !  Les jeux solos étaient moins ma tasse de thé.

Pour être honnête, aujourd’hui je passe plus de temps à aider mon fils à régler ses bugs sur Fortnite ou à jouer aux jeux de société qu’à jouer aux jeux vidéo.

J’aime bien les jeux de société classiques comme Les Colons de Catane, ou encore les jeux d’apéros (Strike), mais celui que je trouve vraiment chouette, c’est 7 Wonders ! C’est rapide, la mécanique de jeu fait que la notion de hasard est assez limitée, mais il n’en reste pas moins intéressant.

 

Parlez-nous de votre projet sur l’abbaye de Fontevraud. En quoi consistait-il ?

Un des projets que j’ai piloté à Fontevraud a consisté à mobiliser des mécanismes ludiques dans la visite du lieu culturel : au cœur de l’église abbatiale, trois écrans tactiles étaient disposés sur une grande table à des fins ludiques. Le principe est que chacun pouvait dessiner à sa guise sur la tablette (via le dispositif Paint Fontevraud), une œuvre qui était projetée en direct sur les arcades de l’abbaye !

Historiquement, le dispositif a du sens puisqu’à l’origine, l’abbaye était entièrement recouverte de couleur. Paint permet de faire renaître la polychromie…! À l’époque, les dessins et la peinture étaient une manière d’impressionner les visiteurs et d’asseoir son pouvoir. Or aujourd’hui, les couleurs se sont effacées laissant des murs blancs… L’activité permet en quelque sorte de redonner vie au patrimoine et d’en mettre, comme à l’époque, plein la tête au spectateur ! C’est vraiment très chouette et spectaculaire. En plus, l’expérience apporte un contraste fort avec les attentes dans le cadre d’une visite patrimoniale d’un monument historique. La visite, réputée pour être un moment barbant pour les enfants, est transformée en un moment amusant où l’on peut dessiner sur les murs !
Et à l’époque (2015), le fait de rejouer le dessin en train de se faire était aussi très innovant. Et le dispositif est encore en fonctionnement, puisque mes anciens collègues me sollicitent encore de temps en temps pour sa maintenance.

 

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans l’utilisation du jeu dans votre travail au CEFIM ?

Ce qui me plait, c’est le côté collaboratif et la puissance fédératrice !

Avec l’école, nous avons mis en place un projet nommé Hackathon Renaissance. Ce projet s’ancre à la fois dans l’objectif du CEFIM de team building, destiné à fédérer les fillières de formation pour leur permettre de créer, d’inventer en synergie ; et historiquement, dans le cadre d’un mouvement régional des 500 ans de Léonard de Vinci (2019).  Ainsi, nous avons proposé, sur la base du volontariat des étudiants, la construction de bornes d’arcades et nous avons demandé aux étudiants de développer 4 mini-jeux valorisant Léonard de Vinci.

Au début, chaque élève disposait d’un canevas de départ leur réexpliquant le projet (contexte…), tout en le balisant techniquement. Nous avons notamment imposé l’utilisation du moteur de jeu Godot.

Plusieurs prestataires ont été sollicités pour aider les élèves dans ce projet. Parmi eux, les designers d’Arkham Studio, un développeur expert sur Godot (Léo Rousseau), la ressourcerie la Charpentière qui nous a offert des écrans, et Fabien Vidal, un des organisateurs des Game Jam HitboxMakers de PALO ALTOURS. L’opération s’est terminée par 2 événements. Le premier fut un gros week-end de finalisation où l’on a notamment construit les bornes d’arcade, tandis que le deuxième n’est autre que le Salon VivaTech à Paris auquel on a emmené les 25 étudiants porteurs du projet. Les 3 bornes d’arcades que nous avons construites ont souvent attiré plus de public que les autres projets présents sur le salon, pourtant plus pointus.

Nous voulions mettre ces bornes d’arcades à disposition du public, et le château d’Amboise nous a suivi ! Finalement, cet Hackathon Renaissance aura laissé des traces. Un collègue est même actuellement en train de rénover les bornes d’arcades pour un événement d’e-sport. C’est un objet rassurant, qui fonctionne toujours aussi bien.

Avec le CEFIM, nous avons géré ce projet comme un projet d’animation pédagogique pour l’école. Il n’y avait pas de gamification, ce qui était important, c’était de mettre des gens en action par une séquence de création de jeu, de les souder et de les faire adhérer au projet pédagogique. La simple posture de créer du jeu vidéo est un levier de motivation colossale qui permet de fédérer tant les étudiants que les formateurs. Le jeu a un véritable pouvoir mobilisateur !

 

Qu’est-ce qui vous a amené à utiliser le jeu comme médium dans la formation et les médiations ?

Justement, le pouvoir fédérateur du jeu vidéo.

J’ai une appétence particulière pour le jeu vidéo, que j’ai par la suite entretenue.  Très tôt, j’ai mis un pied dans le domaine de la pédagogie par le jeu. Mes premières expériences professionnelles m’ont amené à travailler avec des publics jeunes, de 7 à 14 ans, où on ne peut contourner la question du jeu pour stimuler l’engagement.

Et puis, je ne sais pas si c’est encore le cas aujourd’hui, mais quand j’étais jeune, tout le monde fantasmait sur les bornes d’arcades et rêvait d’en avoir une chez soi. Je n’ai pas échappé à cette tendance. Le rêve de jeunesse est puissant en termes d’imaginaire.

 

Avez-vous vu d’autres actions similaires qui vous ont particulièrement touchées ?

Le jeu télévisé « Burger Quiz », ça, c’est inspirant ! Pour des séminaires, reproduire la cuisine avec un comptoir, un écran et ce jeu permanent avec l’absurde, c’est une mécanique qui fonctionne vraiment bien.

 

Avez-vous de nouveaux projets ?

Avec le CEFIM, on réfléchit à un projet pour reproduire une expérience similaire à celle de la scène du Choixpeau dans Harry Potter, avec un casque de réalité virtuelle. L’idée était de proposer à des passants dans des salons de déterminer le métier qui leur est destiné dans le numérique, grâce au chapeau. C’est plus un outil de communication rigolo, une promotion de l’école, que réellement une aide à la décision.

Mais, si nous avons exploré le concept fin 2020, pour le moment on constate que proposer une expérience immersive est compliqué. Ça demande de se casser un peu la tête. Non pas qu’il nous manque la capacité technique, mais le ticket d’entrée est élevé. Nous avons visé un peu haut avec ce projet, mais je le garde toujours en tête. Pour le moment, il est revenu à l’état embryonnaire, il faut le traiter différemment.

Nous explorons les différentes possibilités disponibles pour modifier le format visioconférence jusque-là offert aux étudiants. Déjà avant le COVID, l’école (Cefim) avait basculé dans un modèle d’apprentissage hybride (mi-présentiel, mi-distanciel). Avec le Cefim, nous essayons de faire en sorte que les élèves créent du lien à distance. Générer des rencontres avec les outils numériques est un de nos grands enjeux. Ainsi, Zoom nous permet de créer des salles de discussions dans lesquelles les élèves peuvent se déplacer à leur guise, mais il y a pas mal de limitations et on ne peut pas dire que la convivialité soit un point fort du format visio. C’est pourquoi nous explorons différentes plateformes telles que Work Adventure. Le design de cet espace numérique de coworking est très séducteur, mais le plus important n’est pas l’ambiance et tout le travail de décoration, il ne faut pas se laisser happer par le support visuel, mais être attentif à la manière dont ça peut dynamiser, générer des rencontres. Utiliser ces outils demande d’être fin dans l’analyse des interactions et de ce que l’on souhaite créer comme dynamique sociale
Je n’ai pas encore la solution à cette problématique, mais nous restons attentifs à ce qu’il se passe dans ce domaine.

Aller plus loin

En savoir plus sur Frédéric Dufau

Frédéric Dufau – Linkedin

 

Ceux qui ont été cités

CEFIM – Site

Qualiopi – Site du gouvernement 

Abbaye Royale de Fontevraud – WikipédiaSite

Paint Fontevraud – Buzzing light (partenaire) – Site

Hackathon Renaissance – Article (CEFIM) – Twitter 

Léonard de Vinci – Wikipédia

Les 500 ans de Léonard de Vinci – Site

Godot Game Engine – WikipédiaSite

Arkham Studio – Site

La ressourcerie la Charpentière – WikipédiaSite

Fabien Vidal – Linkedin 

Hitbox Makers – SitePage (PALO ALTOURS)

PALO ALTOURS – Site

Salon VivaTech – WikipédiaSiteCEFIM

Château royal d’Amboise – WikipédiaSite

Choixpeau Harry Potter – Wikipédia

Covid – Wikipédia 

Zoom – Wikipédia  – Site

Work Adventure – Site

 

Les jeux qui ont été cités

Age of Empires – WikipédiaSteam

Diablo – Wikipédia

Fortnite – WikipédiaSite (Epic Games)

Les Colons de Catane – WikipédiaTric Trac

Strike – Tric Trac

7 Wonders – WikipédiaTric Trac

Burger quiz – WikipédiaMY TF1