
Le : 12 novembre 2021, par Fabien Vidal
Bruno & Annaëlle
Chargée de médiation « arts visuels » et Chargé de médiation « musiques actuelles » à l’Antre-Peaux (Bourges)
L'essentiel
« Nous n’avons pas encore mis d’objectifs dessus, mais nous aimerions toucher un public familial que nous avons
du mal à capter. »
Annaëlle Lecry et Bruno Berthier sont médiateurs à l’Antre-Peaux, un espace culturel et de création artistique à Bourges. Et ils sont partis en exploration pour utiliser le jeu dans les médiations auprès des publics : arriver à toucher de nouveaux publics, créer des parcours qui invitent à explorer les offres culturelles du site, présenter les œuvres d’une autre manière…
Pendant le COVID, le jeu, notamment le jeu en ligne, a été un moyen pour garder le lien avec le public. Mais il y avait déjà des médiations par le jeu avant. Et il y en aura encore après, quand le public reviendra.
Annaëlle et Bruno fourmillent d’idées et d’envies. Et c’est une recherche qui continue à se construire.
Interview
Bonjour Bruno et Annaëlle, qui êtes-vous ?
Bonjour. Avant de nous présenter, nous allons peut-être vous parler de l’Antre-Peaux, l’association pour laquelle nous travaillons.
L’Antre-Peaux, c’est la fusion de 2 associations fondées par des membres de l’École des Beaux-Arts de Bourges (ENSA Bourges) : Emmetrop qui avait été créée en 1984, et qui était active dans les arts visuels, la danse, le théâtre performance et les musiques actuelles ainsi que Bandits Mages, fondée en 1991 et qui était sur le cinéma et l’art numérique. À partir de 1992, elles ont commencé à réhabiliter « la Friche », une friche industrielle où elles ont conquis de nouveaux espaces jusqu’en 2018.
La fusion entre les 2 associations a été décidée il y a 2 ou 3 ans (vers 2018).
Comme espaces, nous avons le Haïdouc qui est un espace de projection et de créations numériques, le Transpalette (le centre d’art contemporain), le Nadir (la salle de musique actuelle), l’Usinason (3 studios de répétition dédiés aux pratiques des musiques actuelles) l’Houlocène (salle de résidence et diffusion en danse, théâtre, performance), L’Ursulab (un laboratoire art et science).
Nous sommes organisés en 3 pôles que l’on appelle « Pods », le Pod Art Visuel (Art contemporain, Cinéma, Art numérique, Art et science), le Pod Art du spectacle (musique actuelle, danse théâtre performance) et le Pod Pollinisation qui est le service des publics et qui fait le croisement entre toutes les disciplines et les publics de l’Antre-Peaux. C’est ce Pod qui est en charge d’organiser et mener les différentes actions culturelles avec les publics. « Pollinisation », car l’idée est de butiner les œuvres d’art et de les disséminer.
Et vous alors, qui êtes vous ?
AL : Nous sommes tous les 2 médiateurs au sein du pôle Pollinisation. Moi, je suis Annaëlle Lecry, je suis arrivée à l’Antre-Peaux fin octobre 2020 comme chargée de médiation « arts visuels : art contemporain, art numérique et cinéma » dans le Pod « Arts Visuels ». Quand je suis arrivée, c’était 3 jours après le confinement de l’automne 2020… Au moment de l’interview (mai 2021), je n’ai pas encore vraiment rencontré les publics…
Avant, j’avais fait des études en histoire de l’art et muséographie, puis j’ai été au FRAC de Dunkerque (FRAC -fonds régional d’art contemporain- Grand Large) en médiation sur l’art contemporain et plus particulièrement sur le design.
BB : Et moi, je suis Bruno Berthier. Au début, j’étais ici en service civique sur la question des bénévoles et de la vie associative, et en 2018 je suis devenu médiateur sur les musiques actuelles. La médiation fait que je travaille auprès de différents publics.
J’ai aussi un groupe de musique. D’ailleurs étant de Bourges, je connaissais déjà la structure avant d’y travailler !
Avant de travailler à l’Antre Peaux, j’ai eu une licence « art, musique et métiers du son ».
Êtes-vous joueurs ? Si oui, à quoi jouez-vous en ce moment ?
AL : Je joue à des jeux pas très intéressants… Mais je suis très jeux vidéo.
Mais mon jeu préféré de la vie, c’est Don’t Starve (un jeu de survie sur une île, à l’humour grinçant). En ce moment, je joue aussi à Children of Morta, où l’on incarne une famille de gardiens qui se rend compte que l’environnement est vérolé. Il faut donc aller dans des donjons pour combattre les virus et rendre l’environnement normal.
BB : Je joue par séquence et pas très longtemps. Mais j’aime le jeu à plusieurs : on essaie de faire des équipes sur Don’t Starve, je joue un peu à Among Us (un jeu multijoueur, où il faut deviner qui est la taupe).
Je joue aussi à APEX, un jeu un peu débilos comme Fortnite (des jeux multiplayer où il faut être le dernier survivant). Je n’arrive pas trop à tuer les gens, mais j’aime bien me balader dans le décor. J’ai toujours été mauvais en jeu… Mais j’ai toujours trouvé ça rigolo, et j’aime créer des jeux.
Est-ce que le jeu a une place dans vos médiations culturelles ?
AL : Dans la médiation, il y a l’idée de créer un parcours des visiteurs, pour que le public ne s’intéresse pas qu’à une discipline, créer une circulation des publics… Un des moyens pour créer ce parcours c’est justement de leur apporter une expérience ludique, pour qu’ils puissent expérimenter, poser un regard différent sur les différentes disciplines.
De plus avec la COVID, le numérique est devenu un enjeu essentiel pour la médiation… Déjà en présentiel, nous avions essayé d’apporter du ludique dans les médiations, nous avions fait des jeux de société. Alors, s’approprier le jeu en ligne pendant le confinement, c’était un moyen de garder ce lien.
BB : En ce moment, nous faisons des minijeux sur Genially (un outil de création de formation ludique en ligne), qui est l’outil que nous utilisons le plus. Nous avons par exemple un projet inspiré de Jumangii, où toutes les disciplines sont représentées. Nous avons aussi fait des quiz. Mais nous sommes au début de tout ça, nous sommes en recherche !
AL : Léa Nugue, qui est une artiste en résidence ici, est en train de reproduire la Friche dans un univers postapocalyptique. Nous réfléchissons aussi à la création d’une exposition en numérique où l’on puisse se balader dans un environnement immersif. Mais ça pose des questions. Comment accrocher les œuvres ? Comment les choisir ? C’est en recherche…
BB : Il y a 2 ans, l’Antre-Peaux avait fait un jeu de l’oie autour des métiers de la création de spectacles vivants. L’objectif était de monter un groupe de musique ou une compagnie de théâtre/danse, avec les difficultés associées, on traversait un parcours du combattant. Ce jeu avait été utilisé avec des lycées : ils visitaient la friche, puis participaient à une séance de jeu.
Il y aussi eu un jeu des 7 familles autour de la musique, sur les genres de musique avec les spectacles, les artistes, les instruments… Il avait été créé avec la section graphisme du Lycée des Métiers Jean Mermoz du quartier Nord de Bourges. Et en ce moment, nous sommes en train d’organiser « la friche au trésor » : c’est une chasse au trésor dans la friche, avec des minijeux, peut-être des épreuves.
Là, je teste la création d’un jeu où le personnage doit remonter un concert post-covid. À terme, il y aurait une borne d’arcade rigolote que l’on pourrait déplacer dans les écoles.
Comment en êtes-vous venus à vous intéresser au jeu pour les médiations culturelles ?
AL : Avant l’Antre-Peaux, j’avais déjà utilisé des jeux en médiation. Au FRAC, nous avions utilisé Les mots du clic. C’est un jeu de cartes avec un mot et un visuel qui lui correspond sur chacune. Et ces mots correspondent à des catégories différentes : caractéristiques, apparence, temps, espace, volonté et référent… Par petits groupes, les joueurs doivent décider quelle carte colle le mieux à l’œuvre qu’ils ont en face d’eux. À la fin, les mots qui ont été choisis permettent de faire une phrase.
Ce jeu est bien avec les publics qui n’ont pas l’habitude d’être confrontés à une œuvre d’art et qui ne savent pas verbaliser ce qu’ils voient : ils se rendent compte qu’ils peuvent déjà analyser une œuvre. Le jeu a été conçu pour la photo, mais on peut l’utiliser dans d’autres domaines. Et on peut même le rendre plus ludique, en posant les cartes sur la table et il faut les choper avant les autres pour pouvoir les utiliser !
Nous l’avons utilisé plusieurs fois avec des publics différents : avec des enfants pour faire progresser leur vocabulaire, avec des IME (institut Medico Educatif) auprès de personnes qui ont des difficultés de verbalisation et de prise de parole…
Ici à l’Antre-Peaux, l’objectif est de capter des publics différents, et de les intéresser différemment. Cette année, nous étions confinés, nous avions besoin de toucher autrement les publics, même sans médiateur, d’une autre manière qu’en postant simplement des contenus.
Le jeu est un outil.
BB : En janvier 2021, j’avais créé 2 cartographies des musiques sur Google Maps. Il y avait des contenus, mais c’était frustrant, car il n’y avait pas d’interaction. Alors nous avons cherché un outil, et nous avons trouvé Genially.
Pendant le confinement, nous avons eu le temps d’explorer des pistes. Mais pour nous, c’est le début de la médiation avec cet outil… Nous n’avons pas encore mis d’objectifs dessus, mais nous aimerions toucher un public familial que nous avons du mal à capter. On se dit que ce serait super pour ça.
Quand le public va revenir, le jeu sera sûrement utilisé différemment. Mais nous allons continuer à l’explorer quand même.
Pouvez-vous nous parler d’autres utilisations du jeu qui vous ont touchées ?
AL : Une artiste, Olivia Hernaïz a sorti L’art et ma Carrière, un jeu de plateau sur comment tu mènes ta carrière quand tu es une femme dans l’art contemporain. On y voit tous les biais et les difficultés que tu rencontres quand tu es une femme.
BB : Pour moi, c’est F.R.E.D., cette utilisation du jeu avec des détenus. Je n’imaginais pas à quel point on pouvait utiliser le jeu pour faire ça…
Pour finir, avez-vous des projets, de nouvelles envies liées au jeu ?
AL : J’aimerais repartir de jeux du type « 7 familles » pour co-concevoir avec des artistes et des publics. Par exemple, créer des jeux avec des adolescents, sur des sujets qui les touchent pour qu’ils soient impliqués dedans : Utiliser des mots d’adolescents à destination des adolescents.
BB : J’aimerais aussi développer un Time Line avec les différents courants musicaux, en rapport avec les innovations technologiques.
J’ai hâte de récupérer le décor de la Friche de Léa, et voir ce qu’on peut faire dedans. C’est apocalyptique, sur une île au milieu de nulle part. Les bâtiments font peur…
Aller plus loin
En savoir plus sur Annaëlle Lecry et Bruno Berthier
Annaëlle Lecry – LinkedIn
Antre-Peaux – Site
Ceux qui ont été cités
École Nationale Supérieur d’Art de Bourges (ENSA Bourges) – Wikipedia – Site
Emmetrop – Site
Bandit-Mages – Wikipedia – Site
Haïdouc (Antre-Peaux) – Site
Pollinisation (Antre-Peaux) – Site
FRAC Grand Large (Fonds Régional d’Art Contemporain Hauts-de-France) – Wikipedia – Site
Lycée des Métiers Jean Mermoz (Bourges) – Site
Carte des musiques traditionnelles et folkloriques du monde – Site (Antre-Peaux)
Carte de styles de musiques actuelles – Site (Antre-Peaux)
Google Maps – Wikipedia – Site
Olivia Hernaïz – Interview (documentation.arts) – Site
Les jeux qui ont été cités
Don’t Starve – Wikipedia – Steam
Children of Morta – Wikipedia – Steam
Apex Legends – Wikipedia – Steam
Genially – Site
Jumanjii (jeu fictif) – Wikipedia – Senscritique
Jeu des 7 familles – Wikipedia – Tric Trac
Les mots du clic – Site
L’art et ma Carrière – Site
Time Line – Tric Trac
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