Crédit photo : Anthony Mollé & Laurent Michaut

Le : 29 septembre 2021, par Fabien Vidal

Anthony & Laurent

Anthony Mollé, créateur de Civitime

Laurent Michaut, psychologue du travail

L'essentiel

« Mon ambition est que CiviTime soit LA plateforme pour mobiliser les collaborateurs sur les projets stratégiques de leur entreprise.
Le jeu restera une brique, mais ce ne sera pas la seule. »

Anthony Mollé a créé CiviTime il y a un peu plus de 3 ans : il avait compris que les entreprises manquaient d’outils pour engager leurs collaborateurs dans leurs projets stratégiques. Et il a vu dans le jeu un moyen innovant pour y arriver.

Mais c’est en rencontrant Laurent Michaut, psychologue du travail, qu’il a véritablement pris conscience des vertus du jeu pour activer les leviers psychosociaux de l’engagement. Anthony et Laurent nous expliquent, chacun à sa manière, la façon dont ils conçoivent leur outil pour activer ces leviers.

Cependant, il n’y a pas que le jeu ! Tous deux pensent que CiviTime peut devenir LA plateforme pour mobiliser les collaborateurs. Le jeu restera une brique, mais ce ne sera pas la seule.

Interview

Bonjour M. Mollé et Michaut. Qui êtes-vous ?

AM : Bonjour, je suis Anthony Mollé. J’ai 30 ans et il y a un peu plus de trois ans j’ai fondé CiviTime. Notre mission est d’aider les entreprises à engager leurs collaborateurs dans les projets stratégiques qu’elles portent. Nous mettons ces projets en scène dans CiviTime pour les rendre appropriables.

Le gros de notre activité, c’est la RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Mais nous intervenons aussi dans la mise en œuvre des politiques handicap, et de tous les autres projets d’entreprise.

Avant CiviTime, j’étais ingénieur d’affaires « développement durable » dans de grands groupes. À cette époque, j’avais identifié le besoin des entreprises de trouver d’autres moyens pour parler du développement durable que par des affiches dans les toilettes…

LM : Bonjour, je suis Laurent Michaut. J’ai plus de 40 ans (mais à cet âge-là, on ne compte plus…). Je suis psychologue du travail et consultant RH. J’accompagne CiviTime pour inclure des référents psychosociaux dans leur offre : les aider à mobiliser des leviers pour que le joueur soit motivé à jouer et poursuivre le serious game ; et travailler sur le développement des personnes et l’amusement par le jeu.

Ça fait 15 ans que j’interviens en entreprise. À l’origine, j’avais créé une association pour l’insertion professionnelle. Elle a compté jusqu’à 15 consultants. Puis j’ai développé des services d’audit psychosociaux et d’amélioration de la qualité de vie au travail.

 

Êtes-vous joueurs ? Et si oui, à quoi jouez-vous ?

AM : Je joue aux cartes. Sinon, je ne joue pas du tout.

LM : Quand j’étais étudiant, je jouais pas mal. Puis je n’ai plus beaucoup joué pendant longtemps. Mais maintenant que je suis papa, je joue en famille. Nous faisons beaucoup de jeux de société, ce qui d’ailleurs m’a fait rejouer à des jeux pour grands.

Et ça m’a donné envie de plus jouer encore ! C’est génial, ça nous met dans l’échange, le partage, l’émulation, la compétition. Ça rend heureux.

 

Comment utilisez-vous le jeu dans CiviTime ?

AM : Comme je le disais, CiviTime est une application qui a pour mission d’engager les collaborateurs sur le projet d’entreprise. La base du travail avec Laurent a été d’identifier les leviers psychosociaux qui vont engager les collaborateurs.

Par exemple, nous avons une phase de sensibilisation (le niveau 1). L’objectif est de donner une vision claire aux collaborateurs de l’environnement dans lequel le projet d’entreprise se développe.

Ensuite, il y a une phase d’adhésion (le niveau 2). Là, nous devons créer des groupes de références et des groupes d’appartenance, pour trouver des références communes entre, d’une part les collaborateurs et d’autre part le projet.

Pour ces niveaux 1 et 2, en tant que psychologue, Laurent est parti sur des jeux qui mobilisent des leviers connus et qui permettent aux collaborateurs de s’engager. Par exemple, au niveau 1 -la sensibilisation -, on joue à des Memorys ou des Master Mind. Ils permettent de faire appel à des expériences passées, faire du classement, ancrer des messages…

D’un point de vue méthode, pour construire notre offre nous avons réuni 3 expertises :
Le psychologue du travail, qui traite des enjeux psychosociaux. Les ingénieurs pédagogiques, qui créent le contenu avec une progression pédagogique. Et le game designer, qui met en place ces contenus et ces mécanismes.

LM : Ensemble, nous pourrions adresser presque tous les enjeux !

Pour la première phase de sensibilisation (niveau 1), je pars sur le fait que quand on ne connaît pas un sujet, il faut le découvrir. Ça passe par plusieurs étapes :

Le jeu de Memory permet de clarifier ce sujet. Et nous le mettons en scène dans un macro gameplay avec un archipel que l’on explore, symbole du sujet que l’on découvre : nous donnons à l’apprenant, morceau par morceau, des éléments pour que le projet d’entreprise et son environnement soient plus clairs.

Puis, nous proposons des activités comme le Master Mind pour l’aider à ordonner ces éléments : nous lui permettons d’organiser sa pensée.

Ensuite, nous lui donnons la possibilité de s’approprier des réussites (nous créons des locus de contrôle) : nous rendons l’apprenant responsable des succès, et faisons que les échecs soient dus à des causes qui lui sont extérieures. Ça le met dans une situation de réussite, et ça renforce son attachement au projet.

La seconde phase, l’adhésion (niveau 2), est bien plus collective. Nous cherchons à faire jouer les apprenants ensemble, confronter les idées… Lors de cette phase, le macro gameplay consiste à construire une ville ensemble. C’est une métaphore.

 

Et quel retours avez-vous ?

AM : L’objectif et la méthode par le jeu plaisent : nous arrivons à vendre même sans montrer le jeu.

Et nous avons de bonnes statistiques sur les taux de participation et de complétion : le taux de participation est de 61 %, contre 10 % pour un outil de communication traditionnel comme une newsletter. Et le taux de complétion (proportion des apprenants qui ont commencé et finissent) est de 72 % pour CiviTime contre 15 % pour l’e-learning. C’est très bon.

LM : Nous suivons 4 types d’indicateurs, dont la parole des utilisateurs :

Même si les retours sont variables d’une entreprise à l’autre, ils nous disent qu’ils apprécient, aussi bien en termes d’intérêt que de jeu. Les utilisateurs préfèrent souvent des mécaniques de jeu populaires : Qui veut gagner des millions, défis, challenges, sondages, « est-ce que tu préfères ? »… Ce sont des mécaniques familières, faciles d’accès, et l’on peut y rejouer. Ils apprécient aussi faire des parties en équipe, c’est fédérateur.

Certains accrochent particulièrement, et ils aimeraient aussi avoir plus de jeux ! Mais ce n’est pas notre but…

Et finalement, il y a aussi des joueurs qui arrêtent : certaines personnes sont moins réceptives au jeu.

 

Comment en êtes-vous venus à utiliser le jeu pour générer de l’engagement ?

AM : J’y suis arrivé par hasard. À l’époque, je voulais faire quelque chose de disruptif. Les solutions existantes étaient obsolètes, les entreprises étaient en demande. Par exemple, lorsque l’on installe une solution géniale de régulation de température pour économiser l’énergie, mais que les collaborateurs ouvrent la fenêtre, ça ne marche pas ! Je voyais alors qu’il fallait travailler sur l’adhésion et l’engagement.

À l’origine, j’ai été attiré par l’aspect innovant du jeu. Je n’avais pas conscience des vertus qu’on pouvait en tirer. Mais au contact de Laurent, j’en ai découvert tout le potentiel. Cependant, le jeu n’est qu’un prétexte et un moyen pour atteindre des étapes d’engagement du collaborateur.

LM : Il y a eu tout un cheminement. Il y a plus de 15 ans, je travaillais dans une direction novatrice : nous cherchions à appliquer les techniques du marketing aux collaborateurs, comme s’ils étaient des clients internes. Et nous avions une question : « Quels sont les leviers les plus importants pour générer de la motivation et de la satisfaction au travail ? ».

Plus tard, au fil de mes activités, j’ai développé une approche d’évaluation de la qualité de vie au travail, qui rejoint un peu la RSE. Ça m’a amené à faire des études de faisabilité humaine : « quel impact des changements sur les humains ? ». C’était toujours avec le dialogue social et le développement de l’être humain au centre.

Puis, il y a eu la rencontre avec Anthony, lorsqu’il m’a invité à réfléchir avec lui sur l’évolution de l’offre de CiviTime en incluant des référents psychosociaux.

Et ça m’a beaucoup plu ! Ça m’a rappelé des cours que j’avais aimés dans mes études. Quand on parle de jeu, on pense aux enfants. Mais on peut grandir à toutes les étapes de la vie ! Quand on joue, on ne s’ennuie pas, et on apprend. Avec le jeu, on peut faire des choses sérieuses !
J’ai souvent été surpris dans mes formations de la puissance du jeu, de l’engagement que ça génère. Or, tout employeur cherche à engager ses collaborateurs. C’est la dynamique que je développe à plusieurs niveaux dans CiviTime.

 

Et y a-t-il d’autres utilisations du jeu qui vous ont touchées ?

AM : F.R.E.D. m’a touché. C’est un outil d’accompagnement de détenus et de victimes en réalité virtuelle. Il a été développé par Erwan Dieu, un criminologue, et l’entreprise Prototyper. L’outil est allé très loin, et c’est très réfléchi.

LM : J’ai un ami professeur dans une école Montessori. Ça m’a touché de voir que dans ces structures, ils arrivent à créer des écosystèmes complets et à faire grandir les enfants par le jeu. C’est incroyable ! Mais il y a un gros travail derrière pour monter ces ateliers éducatifs. Chaque fois que je les redécouvre, je suis impressionné.

Je pense qu’on pourrait étendre ces pratiques dans la vie de tous les jours : dans des écoles de conduite, des ateliers de cuisine, la manière de se comporter en société. On pourrait faire des rallyes de découverte d’une ville…

Plus proche de l’activité de CiviTime, j’ai vu des serious games très immersifs, comme IFSimulation chez My-Serious-Game. C’est un outil de formation des infirmiers en réalité virtuelle, ils y ont développé une dynamique d’escape game qui travaille les compétences. Mais créer ce type d’outil demande un temps de développement important…

 

Pour finir, avez-vous des projets ou de nouvelles envies liés au jeu ?

LM : J’ai envie de continuer CiviTime. C’est le début et il y a énormément de choses à faire. J’ai aussi envie de continuer à intervenir en entreprise.

AM : J’ai envie de travailler à la suite de CiviTime (les niveaux 3 et 4). Je suis convaincu que nous adressons un sujet énorme : « Comment engager les collaborateurs sur un projet stratégique ? »

Nous avons fait évoluer Civitime qui avant n’était qu’un outil de sensibilisation. Mais je pense que nous n’allons pas encore assez loin. Mon ambition est que CiviTime soit LA plateforme pour mobiliser les collaborateurs. Le jeu restera une brique, mais ce ne sera pas la seule.

 

Aller plus loin

En savoir plus sur Anthony Mollé et Laurent Michaut

Anthony Mollé – LinkedIn

Civitime – Site 

Laurent Michaut – LinkedIn

 

Ceux qui ont été cités

RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) – Wikipedia

Pédagogie Montessori – Wikipedia

Locus de contrôle – Wikipedia

Prototyper – Site

My-Serious-Game – Site

IFSimulation – Site

 

Les jeux qui ont été cités

Cartes à jouer – Wikipedia

Jeu de société – Wikipedia

Memory – WikipediaTric Trac

Master Mind – WikipediaTric Trac

Qui veut gagner des millions – Wikipedia

Rallye – Wikipedia

Escape game – Wikipedia

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