Crédit photo : Agathe Gourdault-Montagne

Le : 4 novembre 2021, par Fabien Vidal

Agathe Gourdault-M.

Créatrice de Visites Ludiques et Chargée d’action culturelle à l’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation (IEHCA)

L'essentiel

« Ce qui me touche, c’est de manipuler des choses sans numérique. Le réalisme, faire soi-même, et repartir avec quelque chose »

Agathe Gourdault-Montagne n’est pas joueuse. Et pourtant, elle a fondé Visites Ludiques pour créer des jeux de piste et escapes games qui invitent les habitants à découvrir le patrimoine.

Car, si Agathe n’est pas joueuse, elle pense néanmoins que le jeu est un moyen intelligent de donner envie d’explorer. Et elle prend du plaisir à créer ces jeux qui tissent un lien entre le public et le patrimoine, qui font jouer ensemble les parents et les enfants, et surtout, qui mettent le numérique de côté pour faire manipuler des choses, faire faire, et repartir avec un petit objet que l’on garde.

Agathe a cessé l’activité de Visites Ludiques en 2020 et travaille maintenant à l’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation (IEHCA). Mais elle peut avoir d’autres envies sur le jeu, en lien avec le patrimoine culinaire…

Interview

Bonjour Mme Groudault-Montagne, qui êtes-vous ?

Bonjour, je suis Agathe Gourdault-Montagne. J’ai fondé Visites Ludiques en 2017 pour monter des escape games et autres jeux de piste dans des lieux de patrimoine. Mais en juillet 2020, avec le COVID, j’ai dû cesser cette activité. Je travaille maintenant à l’IEHCA (Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation) à Tours où je suis chargée d’action culturelle.

Avant ça, j’ai fait des études d’histoire : un Master 1 d’histoire médiévale, puis un Master 2 en tourisme et patrimoine à l’Université de Lyon.

Je suis ensuite arrivée dans la région pour travailler au service de communication du Château de Chambord où je suis restée 6 mois. Et c’est après ça que j’ai monté Visites Ludiques.

 

Si vous créez des escape games, ça doit vouloir dire que vous êtes joueuse ?

En fait non… Je ne suis pas très joueuse, même de jeux de société. Mais je prends bien plus de plaisir à créer qu’à jouer !

Il y a quelque temps à Paris, j’ai vu par hasard des visites par le jeu. Ça m’a inspiré.

 

Justement, pouvez-nous raconter comment vous utilisez le jeu dans les visites ?

Mon envie initiale était de m’adresser aux Blésois (les habitants de Blois), plutôt qu’aux touristes, et de leur faire découvrir le patrimoine de leur ville. Le centre historique était déjà bien valorisé, je me suis donc attaquée aux quartiers moins visibles. Ceux dont on ne se dit pas, le dimanche, qu’on va aller les visiter.

Alors, je me suis intéressée au quartier Vienne. C’est un quartier à l’histoire très riche, mais qui n’a pas une très bonne image… Les Blésois ne traversent pas le pont pour y aller, et il est peu visité.

Je me suis demandé quelle était la manière la plus intelligente pour donner envie de visiter ce quartier. Et c’est à ce moment que j’ai vu ces visites par le jeu. Ça m’a inspirée. J’ai commencé à faire un jeu de piste pour adultes, et une chasse au trésor pour les enfants : la « Chasse au trésor des mariniers » (ou les « Mariniers et contrebandiers du sel »). Il fallait que les enfants trouvent un code pour ouvrir un coffre, et ils repartaient avec un petit objet qu’ils avaient gagné : un sachet de sel en toile de jute.

Ça a bien fonctionné, car les enfants jouaient avec leurs parents. C’était intergénérationnel.

Puis j’ai monté un partenariat avec la Ville de Blois, pour créer un escape game à l’Aître Saint Saturnin. C’est un site remarquable avec un des rares cimetières à galerie (il y en a moins d’une dizaine en France) : il y a 4 galeries et des ossements au milieu. Aujourd’hui c’est aussi le musée lapidaire.

La ville souhaitait mettre ce lieu en valeur par le jeu, alors ils me l’ont mis à disposition et ont assuré une partie de communication. Pour le reste, c’était à moins de l’autofinancer avec les joueurs.

Cette fois-ci, plus qu’un escape game, j’ai créé un jeu de piste où j’ai mis en lien la collection avec le jeu. Pour le résoudre, il fallait observer l’architecture du bâtiment et trouver des indices sur les pierres qui y étaient exposées. Par exemple, il fallait reconnaitre une pierre avec un symbole de roue, qui nous donnait un indice et permettait de résoudre l’énigme. Nous avions aussi un animateur qui restait en permanence avec les joueurs. Il pouvait les accompagner, mais aussi faire du lien avec le patrimoine qu’ils avaient autour d’eux.

Un point important, le jeu avait été conçu pour respecter le lieu et ne pas avoir besoin de toucher les pierres. Par ailleurs, je n’ai pas utilisé de numérique, et c’était un mécanisme qui changeait des escape games classiques. Pour moi, c’était un retour aux sources.

En 2019, j’ai également gagné un appel à projets à Tours pour créer un escape game à l’Abbaye de Marmoutier.

 

Qu’est-ce qui vous a amené à utiliser le jeu, et que retenez-vous de cette expérience ?

Avant mon initiative, il n’y avait pas encore d’action de ce type à Blois. Et je cherchais une manière de proposer des visites insolites, d’amener la culture différemment. Lorsque j’ai entendu parler de ces visites par le jeu, je me suis dit que c’était le moyen de m’adresser à un public plus large. Je ne sais pas si j’ai réussi…

La chasse au trésor dans le quartier Vienne a bien fonctionné. Et j’ai organisé le jeu de piste à l’Aître Saint Saturnin trois années de suite : la fréquentation n’était pas incroyable, mais nous étions satisfaits. En 2020, le service culturel de la ville de Tours était prêt à recommencer l’escape game à Marmoutier, mais nous avons été stoppés par le COVID.

Du monde est venu c’est vrai. Mais je ne sais pas si nous avons réussi à élargir le public… Je pense quand même que c’était attrayant et que nous avons réussi à toucher des personnes qui n’avaient pas envie de faire une visite guidée. Et nous avons eu la possibilité de travailler avec des adolescents et des publics en difficulté. Ces projets auraient mérité un peu plus de partenariat avec des acteurs locaux !

Mais il y a eu quelques difficultés… Après trois ans à l’Aître, une association a décidé que le jeu n’avait pas sa place dans ce lieu. Et il fallait autofinancer les projets ! J’avais certes monté Visites Ludiques au sein de la coopérative culturelle Artéfacts, où les autres coopérateurs m’ont aidé à réfléchir, mais en 2020, j’ai dû arrêter Visites Ludiques. Et je suis passée à une autre activité.

 

Pouvez-vous nous dire si des utilisations du jeu vous ont touchées ?

Dans le domaine des médiations, ce qui me touche, c’est de manipuler des choses sans numérique. Le réalisme, faire soi-même, et que les joueurs repartent avec quelque chose. C’est pour ça que dans mes jeux, les enfants repartent avec un sachet de sel et les adultes avec une carte de membre de la confrérie.

 

Pour finir, avez-vous des projets ou d’autres envies liées au jeu ?

A l’IEHCA, je suis en charge de la programmation culturelle. Nous avons ouvert un nouvel espace,  la Bibliothèque Gourmande, autour du quel nous organisons des animations.

On pourrait y imaginer un jeu itinérant lié à la cuisine… Par exemple un rallye sur la Région Centre qui valoriserait le patrimoine culinaire, construit en partenariat avec des associations locales, des lieux…

Aller plus loin

En savoir plus sur Agathe Gourdault-Montagne

Agathe Gourdault-Montagne – LinkedIn

Visites Ludiques – Articles (Kidiklic.fr)

 

Ceux qui ont été cités

IEHCA (Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation) – WikipediaSite

Tours – WikipediaSite

Université de Lyon 2 – WikipediaSite

Château de Chambord – WikipediaSite

Blois – WikipediaSite

Aître Saint-Saturnin de Blois – WikipediaArticle (Plateforme ouverte du patrimoine, ministère de la Culture)

Abbaye de Marmoutier – Wikipedia

CAE Artéfacts – Site

La Bibliothèque Gourmande (IEHCA) – Site

 

Les jeux qui ont été cités

Chasse au trésor des mariniers – Article (Agence développement du tourisme Val de Loire)

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